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DES PAYS-BAS AU SVALBARD EN VOILIER, ARRIVÉE À LONGYEARBYEN

26 avril 2024

On traverse les glaces, au sud du Svalbard.

Nous sommes le vendredi 26 avril, ça fait déjà deux jours que j’essaye d’écrire ce billet. Raconter la traversée, mettre quelques photos, partager avec vous cette expérience. La réalité, c’est que je n’arrive pas à l’écrire, ce billet. Hier, j’ai quitté le bateau, j’ai rejoint un appartement sur la terre ferme, dans Longyearbyen, où je vais loger les prochaines semaines. Je suis chez quelqu’un, il est très sympa, on a dîné ensemble hier, parlé, avec vue sur les montagnes et les glaces, le soleil orange qui illumine tout, qui ne se couche pas. Magnifique, et pourtant… C’est le coeur lourd, vraiment serré, que j’écris ces lignes, dans le confort d’un gros fauteuil de la bibliothèque de Longyearbyen, où je passe pas mal de temps pour travailler, faire mes recherches, et aussi parce qu’il y a la wifi. J’aime bien les bibliothèques, c’est calme, on n’est pas obligé de consommer pour y être, et entourée des livres, c’est comme un gros câlin. Ces dernières semaines ont été, je crois, fondamentales, pour moi en tant que personne, pour mon art, ma pratique, tout. J’ai rencontré la mer, j’ai l’impression d’avoir mélangé mon sang avec le sien. Et là, maintenant, comme un vide. Honnêtement, ça me parait lunaire d’écrire ça : j’ai du mal à être sur la terre ferme, déjà, j’ai envie de retourner sur un voilier, apprendre encore, découvrir encore, et l’eau autour, les gens, les voiles, je ne sais pas quoi, vraiment. Les humains qui m’ont entourée ces dernières semaines me manquent, de ces rencontres en voyage, vivre des choses profondes ensemble, se quitter, on se reverra un jour, peut-être ? Même si, ça ne sera jamais pareil. Ces personnes sont tissées intimement à cette expérience-là, elle nous unit. Alors, c’est le coeur serré que je vous raconte, à quoi bon détourner ce qui ne peut l’être ?

Je pense que nous partageons tous cela, peu importe l’expérience, si elle nous marque, nous transperce, nous modèle, nous enivre, nous révèle à nous-même, et peut-être à notre monde, une fois qu’elle semble passée, le vide est vertigineux. Comme au bord d’une falaise, c’est ressentir le drame que l’expérience devienne un souvenir.

Et honnêtement, je crois que j’en ai marre de mettre à distance pour une idée de professionnel dans ma pratique, j’en ai ras le bol de jouer un rôle pour avoir l’air de je-ne-sais-quoi. J’ai une envie farouche d’authenticité. J’ai fantasmé et imaginé mille fois cette traversée, mais malgré certaines difficultés, malgré l’intensité, malgré les nausées et la fatigue, c’était mille fois mieux que dans mon imagination. Je crois que l’écrire, c’est comme faire le compte-rendu: je vous raconte ce qui a été. Et je ne suis pas prête, j’ai encore envie d’être dans le cocon du présent. Me câliner dans cette expérience. Me laisser porter par la mer. Le bruit de l’eau, jour et nuit. Les rires. La mouvement du bateau quand je dors.

Une autre réalité se mélange à ces émotions. Le fait est aussi que j’ai envie d’écrire un autre texte plus long, me dédier à une écriture spécifique, je crois. Il me semble qu’écrire sur ce blog utilise et sollicite le même coin de ma tête, et que je me sens bloquée. Alors, j’écrirai ici quand le temps sera juste pour moi. Je dois écouter mon processus, le respecter, et danser le tango avec. De toute façon, si j’essaye de le plier, ce processus, ça me donne des migraines. Je suis en pleine expérience personnelle, humaine et créative, et il est vrai que j’ai toujours du mal à partager pendant les expériences. Ce que je peux vous dire, c’est que quelque chose de fondamental est en train de se passer pour moi. Je ne sais pas trop quoi, mais ça l’est, fondamental. Je pense que c’est ok de partager après, aussi. Les réseaux, internet, nous installe dans une façon de partager et de consommer qui est quasi directe : il faudrait presque que j’aie une GoPro sur la tête et que ce projet soit en live direct sur les réseaux sans arrêt. Partager, être aux yeux de tous tout le temps. Cette idée est épuisante et vraiment pas en adéquation avec qui je suis. Avoir du réseau internet facilement ici me fait ressentir cette injonction encore plus fortement. Pour l’instant, j’ai envie, et besoin, de faire les choses à ma manière. Je crois aussi que ma créativité, comme toute énergie, est limitée, même si toujours en état  d’être régénérée. Et là, j’ai besoin de garder mon énergie créative en flottement, en liberté.

Ce que je peux vous dire encore, c’est qu’en arrivant au sud du Svalbard, en bateau, on a traversé les glaces. Dans l’eau foncée de la mer, on croirait que les blocs de glaces sont illuminés par eux-mêmes. Quand j’ai vu le premier bloc de glace flotter sur l’eau, une émotion indescriptible m’a traversée : enfin, j’y étais, dans le Nord. Enfin, les glaces, les glaciers, enfin, l’Arctique. Je me suis sentie transpercée, avec la sensation intime d’être au bon endroit. Ça m’a donné une force incroyable. J’ai ressenti une puissance profonde m’envahir. De cette énergie, je suis dans mon art, mon processus, ma pratique, mon expérience humaine, peu importe comment on l’appelle, finalement.

Sans plus de mots, après beaucoup de mots pour expliquer que je n’ai pas les mots, je vous laisse avec quelques photos de cette traversée, brutes, sans retouche. Parfois, les images remplacent ce qu’on ne peut pas raconter avec les mots. Je ne pense pas qu’une image vaille mille mots, mais elle vaut pour ce qu’elle est : image.


Pour l’Amour, pour le brut et l’imperfection de l’existence, pour l’authenticité, pour la terre,
avec rage et amour de Longyearbyen.

À vite

Camille


Vue du mat, dans les fjords avant l’arrivée à Tromsø.

Je monte sur le mat, dans les fjords avant l’arrivée à Tromsø.


Aprés deux jours à Tromsø, pour attendre une fenêtre météo, nous quittons Tromsø au soleil, café sur le pont du bateau, avant la traversée qui s’annonce mouvementée.

En mer.

En mer.

En mer.

En mer.

En mer, encore dans les fjords.

Les voiles, enfin.

Les voiles, enfin.

La neige nous rencontre, elle change de forme et de texture, plus nous allons au Nord.

Plus nous allons au Nord, plus le froid s’invite.

Les premières glaces.

Les premières glaces.

Les premières glaces.

Jamais seuls, nous naviguons dans les glaces accompagnés des Fulmar.

Jamais seuls.

Jamais seuls.

Quand un gros bloc de glace cogne le bateau, le bruit est assez impressionnant, on ressent le choc, le capitaine est trés concentré, tout le monde est trés attentif, à l’écoute. C’est un calme trés singulier à bord.

Les glaces.

Les glaces.

Les glaces.

Les glaces.

Les glaces.

Les glaces.

Les glaces.

Les glaces...

Longyearbyen, enfin !

Longyearbyen.




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